Les pesticides seraient-ils superflus ? L’Institut national de la recherche agronomique (Inra), en partenariat avec l’université de Rennes 1, a publié une étude allant dans ce sens dans la revue scientifique Nature Sustainability. En se basant sur les résultats de centaines de publications précédentes, les scientifiques montrent que l’agriculture biologique ne souffre pas du manque de pesticides. Mieux: il semble que ce mode d’exploitation soit plus efficace contre les bioagresseurs que l’agriculture dite conventionnelle.
Pour les chercheurs de l’Inra, «la régulation naturelle des bioagresseurs (qu’il s’agisse de taux de parasitisme, de prédation ou de compétition) est plus importante dans les systèmes d’agriculture biologique que dans les systèmes d’agriculture conventionnelle et ce pour tous les types de bioagresseurs (pathogènes, ravageurs ou adventices)». En d’autres termes, l’équilibre naturel entre les espèces est mieux préservé dans le cas d’une agriculture biologique. Or cette régulation naturelle est, d’après l’enquête de l’INRA, plus efficace que l’emploi de pesticides, pour protéger les cultures. De plus, si les deux modèles – biologique et conventionnel – subissent les mêmes proportions d’attaques par des insectes ravageurs, l’agriculture bio est moins touchée par des champignons ou des bactéries que celle qui utilise des pesticides, d’après les résultats de l’enquête.
Un modèle d’agriculture plus complexe qui rebute certains
Pour Philippe Jehan, président de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Mayenne, cette étude est «intéressante, mais elle ne dit rien de la productivité des exploitations qui ont choisi l’agriculture biologique». En effet, selon l’exploitant, les marges entre les exploitations bios et celles que l’on considère comme conventionnelles sont radicalement différentes: «aujourd’hui une vache de mon exploitation produit 9000 litres de laits par an. En bio on est plus sur un niveau de 5 à 6000 litres». Christian Huiyghe, directeur scientifique pour l’agriculture à l’Inra, se défend: «le but de cette étude n’était pas de comparer la productivité des deux modèles agricoles. Nous ne prétendons pas répondre avec ce papier à toutes les questions que pose l’agriculture biologique».
Le chercheur et le syndicaliste partagent néanmoins le même constat: le bio est un modèle beaucoup plus complexe que l’agriculture conventionnelle. «Aujourd’hui la plupart des exploitants agricoles qui veulent se convertir au bio ont besoin de se former. Personnellement je suis Bac+2, mais si je veux me lancer dans le bio, je dois faire de la formation continue», témoigne Philippe Jehan. Christian Huyghes explique quant à lui que «la complexité du bio découle de la nécessité de trouver un équilibre entre l’ensemble des phénomènes de régulation naturels. L’agriculture biologique n’est pas que l’application d’une recette fixe. Si on n’en comprend pas les mécanismes, on ne peut pas y arriver». Pour Philippe Jehan il est clair qu’entre un agriculteur conventionnel et celui qui a une exploitation biologique, «les deux ne font pas le même métier».
Source : lefigaro.fr